Les croyances d’apprentissage façonnent la manière dont les étudiants perçoivent leurs capacités, l’intelligence et les méthodes pour réussir. Comprendre et contrôler ces croyances permet de renforcer la motivation, l’engagement et la réussite scolaire à long terme.

Les croyances que les apprenants entretiennent à propos de l’apprentissage — sur leur propre intelligence, les causes de leur réussite, ou la nature même du savoir — influencent profondément leur motivation, leur engagement et leurs performances. On appelle croyances d’apprentissage l’ensemble des convictions plus ou moins conscientes qu’un individu nourrit sur les mécanismes, les exigences, et les finalités de l’acte d’apprendre.
Le contrôle des croyances d’apprentissage fait référence à la capacité de ces individus à reconnaître, remettre en question, ajuster et transformer ces croyances pour adopter des postures plus adaptatives. Cette faculté est aujourd’hui considérée comme un levier central dans la réussite scolaire et l’autonomisation des étudiants.
Définition et typologie des croyances d’apprentissage
Qu’est-ce qu’une croyance d’apprentissage ?
Une croyance d’apprentissage est une représentation mentale ou une conviction à propos :
- de soi en tant qu’apprenant (ex. : « Je suis mauvais en maths ») ;
- de la nature de l’intelligence (ex. : « L’intelligence est fixe ») ;
- des processus d’apprentissage (ex. : « Apprendre, c’est mémoriser ») ;
- des stratégies efficaces (ex. : « Relire suffit à bien réviser »).
Ces croyances peuvent être implicites (non conscientisées) ou explicites, et se forment dès l’enfance à partir de l’environnement familial, scolaire, culturel et des expériences personnelles.

Croyances adaptatives vs. croyances limitantes
| Type de croyance | Exemples | Conséquences |
| Adaptative | « Je peux progresser si je m’entraîne régulièrement » | Favorise l’effort, la persévérance, l’ouverture aux feedbacks |
| Limitante ou dysfonctionnelle | « Je n’ai pas la bosse des langues » | Provoque évitement, démotivation, auto-sabotage |
Cadres théoriques de référence
La théorie des buts d’accomplissement (Dweck, 1986)
Carol Dweck a montré que les élèves adoptent différents but d’accomplissement :
- But de maîtrise (learning goals) : progresser, apprendre, se développer ;
- But de performance (performance goals) : être bon, éviter l’échec ou le jugement négatif.
Elle distingue aussi deux croyances sur l’intelligence :
- Théorie implicite incrémentielle : l’intelligence est malléable ;
- Théorie implicite entité : l’intelligence est fixe.
Les élèves qui croient en une intelligence malléable ont généralement un meilleur engagement face à la difficulté.
Référence : Dweck, C. S. (2006). Mindset: The New Psychology of Success. New York: Random House.
Les modèles d’auto-efficacité (Bandura, 1997)
Albert Bandura introduit la notion d’auto-efficacité, c’est-à-dire la croyance en sa capacité à accomplir une tâche. Elle influence :

- la persévérance ;
- l’intensité de l’effort ;
- la résilience en cas d’échec.
Des croyances d’auto-efficacité élevées prédisent souvent de meilleures performances, indépendamment du niveau de compétence réel.
Référence : Bandura, A. (1997). Self-efficacy: The exercise of control. Freeman.
Les croyances épistémiques (Hofer & Pintrich, 1997)
Hofer et Pintrich identifient quatre dimensions des croyances sur la connaissance :
- Certitude du savoir : le savoir est-il fixe ou en évolution ?
- Structure du savoir : est-il fait de faits isolés ou intégré ?
- Source du savoir : savoir externe (enseignant) ou construit ?
- Contrôle de l’apprentissage : l’apprentissage est-il maîtrisable ?
Ces croyances affectent la profondeur de traitement, la curiosité, et le choix des stratégies.
Référence : Hofer, B. K., & Pintrich, P. R. (1997). The development of epistemological theories: Beliefs about knowledge and knowing and their relation to learning. Review of Educational Research, 67(1), 88–140.
Conséquences pédagogiques des croyances non contrôlées
Auto-sabotage et prophéties autoréalisatrices
Une croyance négative comme « Je suis nul en maths » peut entraîner :
- moins d’efforts investis ;
- plus de stress ;
- des échecs confirmant la croyance.
Ce phénomène de prophétie autoréalisatrice est bien documenté, notamment dans les travaux de Rosenthal & Jacobson (1968).
Adoption de stratégies inadaptées
Des croyances comme « Relire plusieurs fois suffit pour apprendre » conduisent souvent à une absence de stratégies efficaces comme :
- la pratique du rappel actif ;
- l’espacement de l’apprentissage ;
- les tests intercalés.
Ces pratiques inefficaces sont souvent renforcées par une perception erronée de leur efficacité.
Comment favoriser le contrôle des croyances d’apprentissage ?
Prendre conscience de ses croyances
Des questionnaires comme le MSLQ ou l’ASSIST permettent d’objectiver les croyances sur soi et l’apprentissage. On peut aussi proposer :
- des auto-confrontations (vidéos, journaux de bord) ;
- des discussions métacognitives en classe.
Déconstruire les croyances limitantes
Cela passe par :
- l’analyse d’expériences réussies malgré les difficultés ;
- la présentation de modèles positifs (vidéos, témoignages) ;
- la discussion autour de la plasticité cérébrale (neuroplasticité).
Construire de nouvelles croyances fonctionnelles
- Encourager la mentalité de croissance (growth mindset).
- Répéter que les erreurs font partie de l’apprentissage.
- Valoriser les progrès plutôt que les résultats bruts.
- Mettre en avant la valeur des stratégies efficaces (retrieval, interleaving…).

Études de cas et données empiriques
Interventions sur le mindset
Yeager et Dweck (2012) ont démontré que de simples interventions en ligne expliquant que le cerveau peut se renforcer comme un muscle améliorent la persévérance et les notes, en particulier chez les élèves défavorisés.
Référence : Yeager, D. S., & Dweck, C. S. (2012). Mindsets That Promote Resilience: When Students Believe That Personal Characteristics Can Be Developed. Educational Psychologist, 47(4), 302–314.
Métacognition et croyances
Des études montrent que les apprenants ont souvent une métacognition illusoire : ils croient qu’ils apprennent bien alors que leurs méthodes sont inefficaces (Karpicke et al., 2009). Travailler sur les croyances permet de corriger ces biais.
Référence : Karpicke, J. D., Butler, A. C., & Roediger, H. L. (2009). Metacognitive strategies in student learning: Do students practise retrieval when they study on their own?. Memory, 17(4), 471–479.
Conclusion
Le contrôle des croyances d’apprentissage est une compétence cruciale mais souvent négligée dans les parcours scolaires. En favorisant la conscience, l’évaluation critique, et la modification de ces croyances, on renforce la capacité des apprenants à devenir acteurs de leur propre développement cognitif.
Intégrer cette dimension dans les pratiques pédagogiques, les outils d’accompagnement ou les environnements numériques d’apprentissage représente un levier puissant pour améliorer durablement la réussite, en particulier chez les élèves en difficulté ou en perte de motivation.

