
Allan Paivio, psychologue canadien, a proposé en 1971 une théorie fondatrice pour comprendre comment notre cerveau traite l’information : la théorie du double codage (Dual Coding Theory). Elle repose sur une idée simple mais puissante : nous utilisons deux systèmes cognitifs distincts et complémentaires pour encoder, stocker et récupérer l’information :
- Le système verbal, qui traite les mots, le langage parlé ou écrit, les symboles linguistiques.
- Le système imagé, qui traite les images mentales, les perceptions visuelles et spatiales.
Deux canaux distincts mais interconnectés
Selon Paivio, ces deux systèmes fonctionnent en parallèle, mais ils peuvent se renforcer mutuellement :
Lorsque l’on encode une information de manière verbale et visuelle, elle bénéficie de deux traces mnésiques au lieu d’une seule.
Par exemple, retenir le mot « chat » est plus facile si on voit l’image d’un chat en même temps. Et mieux encore si on l’imagine grimper à un rideau ou ronronner sur nos genoux : l’information devient plus riche, plus concrète et plus facile à rappeler.
Les implications pour la mémoire
Cette théorie a eu un fort impact dans les domaines :
- de la pédagogie, où l’on encourage les supports visuels en complément du texte ;
- de la psychologie cognitive, pour expliquer la supériorité mnésique des images ;
- de la mnémotechnie, qui repose justement sur l’association de mots avec des images mentales vivantes, souvent exagérées ou humoristiques.
Paivio a également démontré que :
- Les mots concrets (comme pomme, bicyclette, montagne) sont mieux mémorisés que les mots abstraits (comme justice, liberté, vérité), car ils peuvent être encodés visuellement.
- Les associations image + mot produisent de meilleures performances que l’un ou l’autre seul.
Confirmation expérimentale
Des dizaines d’expériences ont confirmé ce phénomène. Par exemple :
- Clark & Paivio (1991) ont montré que les apprenants retiennent mieux un concept si on leur fournit un mot-clé imagé lié à ce concept (ex: image de « racine » pour expliquer le mot « radical »).
- Sadoski & Paivio (2001) ont appliqué cette théorie à la lecture et ont constaté que les élèves comprennent et retiennent mieux un texte lorsqu’ils se représentent mentalement ce qu’ils lisent.
Applications concrètes dans les techniques de mémoire
Les grands classiques des compétitions de mémoire — méthode des loci, PAO, système majeur, acronymes visuels — utilisent ce double codage en permanence :
- un élément verbal abstrait (comme un chiffre, une date, un mot-clé) est transformé en image concrète, souvent dynamique, colorée, ou absurde.
l’image est ensuite ancrée dans un lieu ou dans une séquence logique, renforçant la récupération.
En résumé
La Dual Coding Theory de Paivio montre que le cerveau retient mieux lorsqu’il encode l’information sous deux formes complémentaires : verbale et imagée. Cette théorie, confirmée par de nombreuses recherches, est au cœur de toutes les techniques modernes de mémorisation, qu’elles soient utilisées à l’école, dans les manuels de pédagogie… ou lors des championnats du monde de la mémoire.
